Catalogue – cover me up

 


Les voitures vrombissent, crissent, rugissent et s’agglutinent dans le chaos de la ville. Les moteurs égyptiens ne s’éteignent presque jamais, ils ronronnent sempiternellement dans les embouteillages endémiques. Le contact n’est jamais coupé, même pas pour le plein à la station service. Le vacarme automobile incessant s’érige en emblème moderne du Delta du Nil à tel point que la manipulation du klaxon, de ses rythmes et de ses nuances s’est transmuté en un véritable langage sonore.

Comme en contrepoint à cet étourdissement cacophonique, certaines voitures restent irrémédiablement immobiles comme vissées à leur place de stationnement. Les pneus ont fini par se dégonfler et les roues se sont définitivement incrustées dans l’asphalte fondu. Avec la pruine qui recouvre tout on observe une continuité de couleur et de texture entre la rue et le véhicule. C’est comme si le symbole futuriste du mouvement et du tintamarre quotidien était devenu une statue muette et inerte.

Parfois, par les détours sinueux des rues saturées de poussière, on rencontre l’un de ces véhicules à l’arrêt enveloppé dans un linceul de tissu ordinaire aux motifs orientaux. Mais ces mausolées du déplacement motorisé sont-ils si inanimés qu’ils en ont l’air?

Est-ce que ces bâches servent uniquement à protéger les véhicules des agressions du soleil et du sable? Certains garages en désossent les carcasses qui servent de réserve à pièces détachées. Ces grandes stèles immobiles et voilées ne sont jamais vraiment abandonnées, l’on voit de temps en temps certains habitants les utiliser comme un entrepôt de marchandises. Pratique pour ne pas payer le loyer d’un local…

Ces grands domes de tissu qui s’encastrent dans le paysage urbain fascinent. Ils interrogent le couple mobilité vertigineuse/immobilité léthargique qui façonne l’identité des villes égyptiennes. Ils parlent aussi du mystère et de la dissimulation. Que se cache-t-il sous le voile de ces dames de métal?